Les 11 réponses de l’ASPAS au réactionnaire “Manifeste pour la chasse” !

S’estimant victime “d’attaques injustifiées qui viennent notamment de Bruxelles, de technocrates adeptes de la norme et déconnectés de la réalité, des anti-tout et des écolos dogmatiques”, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) invite tous ses membres, partout en France, à aller à la rencontre des maires de leurs communes, le 17 mai prochain, pour leur remettre un “Manifeste de la chasse française” avec 11 revendications délirantes :  

Les 11 réponses de l’ASPAS au réactionnaire "Manifeste pour la chasse" !
Les 11 réponses de l’ASPAS au réactionnaire "Manifeste pour la chasse" ! 2

Ces 11 revendications sont appuyées par un argumentaire plus détaillé qui tente, avec beaucoup de mauvaise foi, de défendre l’indéfendable.

À un an des prochaines élections municipales, l’objectif non dissimulé de la FNC est clairement de tenter d’obtenir un maximum de soutiens parmi les élus locaux pour imposer sa vision rétrograde et moyenâgeuse de la nature et des animaux sauvages… 

L’ASPAS, qui a édité en 2023 un guide juridique complet à destination des maires pour les aider à limiter les nuisances de la chasse sur leur commune, répond un à un aux 11 points du manifeste qui n’est autre que le symbole d’un loisir mortifère en perdition, qui se refuse à toute évolution, en décalage total avec les enjeux écologiques du XXIe siècle ! 

1 – Reconnaissance d’intérêt général de la chasse française et inscription au patrimoine immatériel de l’Unesco de tous les modes de chasse 

La chasse, loisir pratiqué par moins de 1,5 % de la population française, est une activité dangereuse, polluante et largement inutile d’un point de vue écologique. De plus, elle provoque des souffrances évitables à des millions d’animaux sauvages ou semi-sauvages (issus d’élevages). On se demande bien où est l’intérêt général, par exemple, dans le fait de relâcher des millions de faisans ou de perdrix dans la nature chaque année, dans le seul but de prendre ensuite du plaisir à les tuer avec des munitions toxiques à la fois pour la santé et pour l’environnement.   

Déterrage, chasse à courre, pièges à glu, battues aux chiens courants… Quelle que soit sa forme, la chasse a un impact forcément néfaste sur la nature, les animaux sauvages et notre patrimoine naturel commun à tous. Il serait ainsi tout à fait déplacé pour l’UNESCO d’inscrire des pratiques aussi choquantes au patrimoine immatériel de l’Humanité.   

2Arrêt du paiement des dégâts de grand gibier par les seuls chasseurs afin de sauver le système d’indemnisation pour les agriculteurs 

“Les chasseurs n’en ont rien à foutre de réguler”, a déclaré en novembre 2021 sur un plateau télé leur président Willy Schraen, pour qui la chasse est d’abord le plaisir de traquer et de tuer des animaux.   

Dans leur parfaite hypocrisie, où ils tiennent un rôle de pompiers-pyromanes, les chasseurs veulent le beurre et l’argent du beurre : ils veulent une profusion de sangliers (qu’ils entretiennent par l’agrainage), mais ils ne veulent plus payer la facture des dégâts provoqués aux cultures agricoles… Pire, malgré les 80 millions d’euros d’aide publique qui leur ont déjà été affectés en 2023 pour soi-disant mieux “gérer les sangliers”, ils réclament encore plus de soutien de l’État : c’est ainsi qu’ils ont obtenu du temps de chasse en plus, avec la possibilité désormais de traquer les sangliers 12 mois sur 12Mais pour quels résultats ?

Les agriculteurs ne sont pas dupes, et ils sont de plus en plus nombreux à reprocher aux chasseurs leur absence de véritable régulation, y compris au sein de la puissante FNSEA qui a récemment dénoncé le “double discours” et “l’hypocrisie” du monde de la chasse.     

3 – Refus de l’interdiction du plomb dans les munitions de chasse 

Refuser qu’on leur enlève le plomb de leurs munitions, c’est accepter de mettre en danger la santé de 14 millions de chasseurs partout en Europe, si on en croit les chiffres révélés tout récemment par l’Agence européenne des produits chimiques. Pour des gens qui se vantent d’être les “premiers écolos de France”, continuer à vouloir polluer les sols avec du métal toxique et augmenter le risque de saturnisme est pour le moins troublant…  

L’un des arguments des chasseurs est que l’abandon du plomb risque de faire arrêter bon nombre de pratiquants ce qui, selon eux, pourrait “avoir de graves conséquences”… Sous-entendu, sans doute : s’il y a moins de chasseurs pour gérer les animaux, bonjour les dégâts ! Nous disons l’exact contraire : moins de chasse et moins de plomb déversé dans la nature ne peuvent qu’être bénéfiques pour l’équilibre et la bonne santé des écosystèmes. 

4Suppression de tous les moratoires européens et maintien de toutes les espèces chassables 

Les chasseurs rêvent de garder la main sur la gestion de toutes les espèces, ils veulent être les seuls à décider du droit de vie et de mort des animaux sauvages et façonner la nature selon l’unique prisme de leur loisir mortifère.

Peu importe s’il n’y a aucune raison écologique de chasser telle ou telle espèce, les chasseurs ont une vision utilitariste et divertissante de la nature où ils seraient les uniques prédateurs légitimes du “gibier”. En s’appropriant de la sorte les animaux sauvages, ils privent de leur droit à la contemplation des millions d’autres Français dont le loisir est la simple observation des animaux… vivants.  

Peu importe si une espèce est mal en point, ils veulent pouvoir continuer à la chasser, coûte que coûte… Ou au moins veulent-ils conserver la possibilité de la chasser, selon leur calendrier et leurs données : le jour où elle ira mieux, ils veulent être les seuls à décider qu’ils peuvent la flinguer à nouveau ! 

Les moratoires européens, lorsqu’ils sont pris sur la base d’arguments scientifiques solides et pleinement justifiés, sont la garantie que les espèces peuvent être libérées de toute pression cynégétique inutile, et retrouver, dans le meilleur des cas, des états de conservation favorables. Il est absolument vital de maintenir ces moratoires, et même de les renforcer, afin que toutes les espèces classées sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN soit automatiquement protégées de la chasse

Parmi les 90 espèces chassables en France (record d’Europe !), plusieurs sont en mauvais état de conservation (Grand tétras, lagopède, lièvre variable, huitrier pie, etc.) et l’immense majorité n’ont pas besoin d’être “régulées” !

5 – Reconnaissance de la légitimité de toutes les chasses traditionnelles afin de garantir leur pratique 

A mesure que la science nous éclaire sur l’intelligence, les émotions, le comportement et la place des animaux dans les écosystèmes, les chasses traditionnelles paraissent de plus en plus archaïques et de moins en moins défendables. Déterrage de blaireaux, chasse à courre, chasse à la glu… Toutes ces pratiques cruelles, qui vont à l’encontre de tout progrès social et éthique, sont qu’on le veuille ou non vouées à disparaître. Ce n’est pas parce qu’une chasse est légale qu’elle est juste et légitime : si elle génère des souffrances inutiles et qu’elle est non sélective (risque d’impacter d’autres espèces non visées par la chasse), le respect de la vie animale ne devrait-il pas l’emporter sur le loisir égoïste et inutile de quelques-uns ?  

6 – Animation d’une police de proximité rurale par les fédérations des chasseurs à disposition des communes 

Contrôler le gibier, contrôler les autres “usagers” de la nature, asseoir leur autorité et leur domination de l’espace…  Les chasseurs rêvent de “faire la loi” à tous les niveaux, jusqu’à se faire justice eux-mêmes pour être tranquilles dans une nature qu’ils s’approprient au détriment des autres ruraux

Plutôt que de céder aux caprices farfelus des tontons flingueurs, l’État devrait au contraire renforcer considérablement les moyens de la police de l’environnement déjà existante (OFB, gendarmerie), pour mieux lutter contre les nombreux abus de la chasse ! Munitions prohibées, chasse illégale sur terrain d’autrui, braconnage, non-respect des règles de sécurité, charniers illicites… Si on laisse aux chasseurs le soin de s’auto-contrôler, qui pourra distinguer le bon chasseur du mauvais chasseur, le bon braconnier du mauvais braconnier ? Car si tous les chasseurs ne sont peut-être pas des braconniers, tous les braconniers sont bel et bien des chasseurs…    

7 – Création d’un fonds dédié aux fédérations pour financer des actions de réaménagement environnemental comme les haies pour le petit gibier  

Des haies, non pas pour la biodiversité, mais pour le petit gibier : toute la nuance est là. L’objectif n’est pas de planter des haies, il est de chasser les faisans, perdrix, lièvres et autres “petits gibiers” qui y trouveraient refuge…  

Quant au fonds dédié qu’ils réclament, c’est oublier qu’ils en bénéficient déjà, via le dispositif très controversé de l’éco-contribution contre lequel l’ASPAS a déposé un recours en justice : des projets cynégétiques soi-disant d’intérêt écologique, financés en partie par le contribuable !  

Plutôt que d’être versés aux chasseurs dont l’activité principale consiste à tuer des animaux, les fonds devraient plutôt être attribués aux acteurs de terrains qui mènent des actions désintéressées, pour la biodiversité et le bien commun !

8 – Permission aux chasseurs de céder leur gibier sans contrainte réglementaire disproportionnée 

Au XXIe siècle, dans un pays civilisé et développé comme la France, la chasse n’est d’aucune nécessité vitale. Si certains consomment une partie de ce qu’ils chassent, beaucoup ne retiennent de ce loisir que la traque de l’animal et sa mise à mort… Que faire alors des cadavres qui, quand ils ne sont pas jetés dans la nature, s’entassent dans les congélateurs et chambres froides financés, parfois, par des subventions régionales ? Bien heureusement, tant que les chasseurs persisteront à utiliser du plomb, les normes sanitaires en vigueur les empêcheront de céder à tout va leurs gibiers contaminés…  

9 – Réduction significative des populations de loup, afin de sauver le pastoralisme et les populations d’ongulés

À en croire les chasseurs, les loups feraient disparaître les cerfs, chevreuils, chamois, sangliers, etc. (= leurs proies naturelles), ce qui témoigne d’une ignorance très profonde de la biologie et du comportement de l’espèce ! Ce discours moyenâgeux, contraire au principe même de l’écologie, vise à entretenir une vision diabolique du loup qui a persisté pendant des siècles jusqu’à conduire à l’extinction de l’espèce en France. Ce discours est extrêmement dangereux, tout comme l’est la rétrogradation du statut de protection des loups au niveau européen : il a pour conséquence de stigmatiser le grand prédateur et de banaliser sa destruction.  

Rétablissons la vérité : les loups, pour la survie de leur espèce, n’ont aucun intérêt à manger tous les animaux. Dans un territoire donné, les loups adaptent leurs populations au nombre de proies disponibles. Comme tout prédateur dans la nature, les loups ne pourront jamais “pulluler”

Pour le chasseur, les loups seraient forcément mauvais, or ils sont de bien meilleurs régulateurs qu’eux : pour optimiser leurs chances d’attraper un animal, contrairement au chasseur qui vise le gros trophée pour décorer sa cheminée, les loups privilégient les proies malades, faibles, les moins dégourdies. Une telle sélection naturelle permet ainsi de renforcer la génétique de l’espèce. Une véritable cascade trophique qui profite à l’ensemble des écosystèmes.  

Le sujet est grave, mais on ne peut que sourire face aux contradictions inhérentes à l’argumentaire fallacieux des chasseurs : d’un côté ils se plaignent de ne pas réussir à diminuer le nombre de sangliers, de l’autre ils accusent le loup de réguler efficacement à leur place ! Cherchez l’erreur… 

10 – Retour à la liste complète des nuisibles dans tous les départements, et maintien partout du piégeage et du déterrage 

C’est la même logique que pour le loup, mais à une échelle plus petite : les “nuisibles”, pour les chasseurs, sont ces renards, martres, putois, belettes, fouines, pies, corneilles, corbeaux, geais et autres qu’ils accusent, tout simplement, de gâcher leurs parties de chasse. Ils sont en effet persuadés que tous ces animaux pillent les nids de leur “petit gibier” (faisans, cailles, perdrix…) et qu’il faut donc à tout prix les massacrer.  

Le renard chasseur de campagnols, les corvidés chasseurs d’insectes ravageurs… Pourtant bien documentés par la science, les bénéfices écosystémiques de ces espèces, qui font partie intégrante de notre patrimoine faunistique local, ne sont jamais mis en avant par les chasseurs. Amoureux de la nature, vraiment ? 

Quant au piégeage et au déterrage, ces pratiques abjectes sont à bannir pour leur cruauté, leur violence et leur caractère non sélectif. Déterrer une famille de blaireaux, outre la souffrance infligée à ces animaux, c’est mettre à mal tout un écosystème souterrain qui a de possibles incidences sur d’autres espèces, parfois protégées (reptiles, amphibiens, voire, plus rarement, loutres et chats forestiers). 

11 – Liberté de continuer à chasser les week-ends, les vacances et les jours fériés 

En France, la chasse est autorisée 7 jours sur 7. Contrairement aux autres pays européens, il n’existe aucune journée sans chasse à l’échelle nationale. Loisir dangereux, encadré par des règles de sécurité largement insuffisantes, la chasse provoque chaque saison quantité d’accidents et d’incidents très graves qui impliquent chasseurs et non-chasseurs.  

Quand les balles ne tuent pas des randonneurs, des ramasseurs de champignons et même des gens dans leur propre jardin, elles finissent leur course dans l’appuie-tête d’une voiture, la baie vitrée d’un salon ou la chambre d’un enfant… Chaque saison vient avec son lot de tragédies, et l’État ne prend toujours pas ce fléau au sérieux.  

D’année en année, les statistiques montrent que 75 % des accidents de chasse surviennent le week-end, et 50 % rien que sur la journée du dimanche. Le sentiment d’insécurité qui en découle est énorme et propre à la France : plus de 6 Français sur 10 déclarent ne pas se sentir sereins lorsqu’ils se promènent dans la nature en période de chasse !  

Par ailleurs, comme réclamé par 80 % des Français, l’ASPAS demande au minimum l’interdiction de la chasse le dimanche ! Il est totalement inadmissible que l’État continue de favoriser le loisir d’une minorité armée au détriment du reste de la population, tout comme il est inconcevable de laisser les chasseurs pratiquer leur passion mortifère aussi près des habitations ! 


Refusons que les chasseurs imposent leur diktat cynégétique à toutes les communes de France, aidons plutôt nos élus locaux à redonner sa juste place à la nature et à limiter le pouvoir de nuisance de la chasse, pour le bien de tous, animaux comme humains !

© Photo d’en-tête : F. Cahez

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