Aidons le lynx à repeupler nos forêts !

Chaque année, le 11 juin, c’est la Journée internationale du lynx. L’occasion pour l’ASPAS de faire un focus sur ce discret félin de nos forêts et de rappeler les actions que nous menons pour le protéger.

Un félin agile, mais une espèce fragile

Troisième plus grand prédateur terrestre présent en France, après l’ours et le loup, le lynx boréal est considéré comme « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et figure, à ce titre, sur la liste rouge des espèces menacées.

Victime tout comme le loup de croyances diaboliques au Moyen-Âge, celui qu’on appelait autrefois « loup-cervier » a connu un long déclin jusqu’au 20e siècle du fait de l’intensification de sa chasse, de son piégeage, mais aussi de la déforestation à outrance et de la raréfaction de ses proies.

Aujourd’hui strictement protégé par le droit français et européen, le félin au pelage doré ne doit son retour fragile dans le Jura, les Vosges et les Alpes que grâce aux campagnes de réintroduction menées depuis les années 70, en particulier par la Suisse et l’Allemagne. La France, beaucoup moins ambitieuse que ses voisines, s’est contentée jusqu’à présent d’une seule opération de repeuplement, dans l’unique massif des Vosges, avec des résultats plus que mitigés en raison des nombreux actes de braconnage qui s’en sont suivis.

La population actuelle de lynx dans l’Hexagone est estimée entre 150 et 200 individus, inégalement répartis entre ses trois noyaux de présence principaux.

Malgré le lancement en 2022 d’un plan national d’actions en faveur de l’espèce, les moyens consentis par l’État pour améliorer le sort du lynx restent insuffisants ; pour s’éviter tout conflit avec le monde de la chasse et celui de l’élevage, aucune mesure de réintroduction du lynx n’est notamment envisagée. Or, contrairement au loup, la capacité de dispersion des lynx est très lente et sa progression est freinée par les nombreux obstacles anthropiques qui fragmentent les territoires.

Les quatre ennemis du lynx

1 – Les routes et les véhicules

Les collisions routières sont la principale cause de mortalité des lynx en France. Certains survivent, s’ils sont recueillis à temps par les centres de soins, mais la plupart décèdent, soit sur le coup, soit peu de temps après, leurs blessures les rendant incapables de chasser pour se nourrir.

Chaque année, plusieurs dizaines d’individus sont percutés par les voitures, les camions, les trains.

2- Le braconnage

Beaucoup plus difficile à mesurer – loi du silence oblige – le braconnage n’en est pas moins une réalité, comme l’attestent les affaires dans lesquelles l’ASPAS se porte régulièrement partie civile. La découverte d’orphelins, chaque automne, est un autre indicateur de la réalité de ce fléau.

Mal vu par certains éleveurs et surtout par une partie des chasseurs qui le considèrent comme un concurrent direct, le lynx fait par ailleurs régulièrement l’objet de demandes de régulation auprès de l’administration. Des demandes qui n’aboutissent pas, heureusement, du fait de la protection stricte de l’espèce, mais il va sans dire que certains n’hésitent pas, dans le secret des bois, à se faire justice eux-mêmes.

3 – La chasse

Par ailleurs, les plans de chasse des ongulés sauvages, visés par les préfectures, font totale abstraction de la présence naturelle des grands prédateurs qui sont pourtant les régulateurs naturels de ces animaux.

La chasse en battue perturbe l’ensemble de la faune sauvage, y compris les espèces protégées tels les lynx qui peuvent être pris en chasse par les

chiens et poussés à délaisser leur territoire.

4 – La consanguinité

Du fait de la concentration des lynx dans le Jura et du manque de connexion avec les autres noyaux de populations, le taux de consanguinité est particulièrement préoccupant dans ce massif, comme a pu l’attester une étude scientifique¹ en 2023. La consanguinité augmente le risque d’occurrences de pathologies congénitales (insuffisance cardiaque, malformations, etc.) et peut induire une baisse des succès de reproduction.

Cohabiter avec le lynx

De très rares attaques sur les moutons

Si le lynx préfère très largement chasser des proies sauvages, il peut ponctuellement s’en prendre aux cheptels domestiques si ces derniers sont laissés sans gardiennage. Les quelques rares cas² de déprédation imputés au lynx suffisent toutefois pour qu’une branche radicale d’éleveurs, réfractaires à toute idée de cohabitation, demande à pouvoir tirer sur les félins, autorisation qu’ils ont obtenue dans l’Ain, notamment, mais dans des conditions très strictes : un individu ne pourrait être tué qu’après 10 attaques par an et dans un même massif forestier, à raison d’un animal par an et par département.

Pour résoudre les conflits avec les éleveurs, la présence de chiens de protection suffit en général pour éloigner le prédateur.

Zéro danger pour les humains

Quiconque a déjà eu la chance de croiser le chemin de celui qu’on surnomme le « fantôme des bois » a pu le constater : le lynx reste totalement indifférent à la présence humaine. Il peut vous observer de loin ou continuer tranquillement son chemin, mais en aucun cas il ne cherchera à vous mettre en danger. En témoigne le nombre d’attaques recensées : zéro !  Rien ne dit, en revanche, qu’un lynx ne se défendra pas s’il est volontairement perturbé et se trouve malencontreusement acculé. Une réaction somme toute naturelle et propre à tous les animaux sauvages qui, se sentant en danger, agissent « en légitime défense ».

L’ami des forestiers

Contrairement au loup qui course ses proies pour les affaiblir, un lynx chasse seul, à l’affût, par surprise. C’est un carnivore strict, qui se nourrit quasi exclusivement de proies sauvages qu’il chasse lui-même. Ses prises sont essentiellement des chevreuils et des chamois (une cinquantaine par an), mais il peut aussi chasser à l’occasion des animaux plus petits : renards, blaireaux, marcassins, lièvres, rongeurs et même des oiseaux.

Certaines études montrent également que le lynx peut aider à maintenir les populations d’ongulés en bon état de santé général.

Par ailleurs, par sa prédation sur les chevreuils, les renards et les micromammifères, le lynx pourrait limiter le développement des zoonoses dont ces animaux peuvent être porteurs, comme la maladie de Lyme ou l’échinococcose³.

En tant que super-prédateur au sommet de la chaîne alimentaire, le lynx participe à la régulation et la dispersion naturelles des cervidés. En cela, il favorise la régénération spontanée des forêts et contribue à maintenir l’équilibre du milieu.

Forêts préservées, lynx protégés !

En Europe, le lynx semble privilégier les territoires qui possèdent au moins 30% de couverture forestière, avec des zones hétérogènes où rochers, souches, branchages, buissons denses sont présents et lui permettent de se dissimuler.

Pour sauver l’espèce, il est donc plus que vital de préserver au maximum son habitat (en mettant fin aux coupes rases, notamment) et de connecter via des corridors naturels les différents noyaux de présence, afin de faciliter les rencontres et permettre le brassage génétique.

Aujourd’hui principalement réfugiés dans les régions montagneuses à forte densité forestière, les lynx peuvent aussi tout à fait évoluer en plaine, à condition d’avoir suffisamment de zones boisées et de proies à disposition.

L’ASPAS demande :

  • Une politique beaucoup plus ambitieuse pour aider le lynx à recoloniser naturellement les massifs d’où il a disparu (création de corridors écologiques, passages à faune sécurisés sur les routes et chemins de fer, campagnes de sensibilisation des usagers de la route)
  • Des réintroductions de lynx dans les Vosges et d’autres massifs où le prédateur aurait toute sa place dans l’écosystème
  • Des moyens publics accrus alloués à la recherche, l’information, la médiation et l’accompagnement des différents acteurs sur le terrain en vue d’une meilleure acceptation du lynx sur le territoire
  • Un réseau de surveillance renforcé pour prévenir tout acte de braconnage

Agir avec l’ASPAS

  • Devenez un ambassadeur du lynx boréal en diffusant nos outils de sensibilisation (dépliant, kit pédagogique « J’aime les lynx », etc.)
  • Alertez l’ASPAS de tout incident impliquant les lynx en écrivant à temoignage@aspas-nature.org
  • En cas de découverte d’un animal mal en point, contactez d’urgence le Centre Athénas, spécialisé dans la prise en charge et le soin des lynx.

1 – Huvier N., Moyne G., Kaerle C. and Mouzan-Moyne L. (2023)
2 – Entre 2010 et 2019, de 46 à 102 attaques par an ont été constatées en France (soit 59-176 animaux indemnisés par an). Source : Gatti et al., 2022
3 – Drouilly, 2019 ; Ostfeld, 2018

Photo d’en-tête © V. Cech

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