Dans le Doubs, alors que les chamois sont en diminution depuis plusieurs années, victimes notamment de la chasse loisir et sans doute aussi du changement climatique, la préfecture autorise pourtant les chasseurs à tuer un maximum de 594 individus jusqu’à fin janvier 2025… Soit 52% d’une population estimée à 1140 individus ! Contre ce carnage totalement inacceptable, l’ASPAS a déposé un recours au fond devant le tribunal administratif de Besançon, et demande un moratoire de 5 ans sur la chasse de cette espèce.
Une espèce très peu abondante…
Il n’y aurait, selon les chiffres fournis par la préfecture, qu’un peu plus de 1000 chamois dans le Doubs, soit 10 fois moins que le nombre de chevreuils. Avec une densité d’à peine un animal pour 100 hectares boisés, et sachant que c’est un ongulé qui ne provoque quasiment aucun dégât aux activités humaines, il y aurait largement la place d’accueillir cinq fois plus de chamois dans le département sans que cela ne mette en péril quelconque équilibre !
Chassé par tradition…
Le chamois est un ongulé paisible, capable de s’autoréguler et qui ne provoque aucune nuisance conséquente pour les activités humaines. Pourtant, contrairement au bouquetin des Alpes qui lui est heureusement protégé par la loi, le chamois figure parmi les espèces chassables en France… Il n’est donc tué que pour le loisir de quelques-uns, par « tradition culturelle » plus par par quelconque besoin de régulation.
Accusé de supposés dégâts invérifiables…
Dans le Doubs, où les chasseurs constatent eux-mêmes une baisse significative des populations à en croire les données qu’ils ont fournies à la préfecture (- 25%), le chamois est accusé de s’en prendre aux forêts, notamment aux jeunes plantations, mais aussi aux prairies des agriculteurs (!). Rendez-vous compte : on tue une espèce parce qu’elle ose se nourrir… d’herbe !
Concernant ces supposés dégâts agricoles, évoqués notamment dans un reportage diffusé le 30 décembre sur TF1, la préfecture n’en fait pas état ; ce qu’elle retient plutôt, comme argument pour justifier l’attribution du plan de chasse aux chamois, ce sont les prétendus dégâts « d’abroutissement » et « d’écorçage » que ces animaux provoqueraient sur les arbres, notamment sur des parcelles de reforestation financées par l’Etat dans le cadre de l’adaptation des forêts au changement climatique.
Or les cartes fournies par la préfecture n’apportent aucune date, ni aucune indication quant à l’importance des dégâts mis en avant ; ni les surfaces réellement concernées, ni la pression financière ressentie, ni même un éventuel retard de reforestation ne sont identifiés. Il est ainsi impossible de faire la différence entre un abroutissement en forêt qui serait jugé acceptable (le chamois devant bien se nourrir) d’un niveau d’abroutissement considéré comme excessif.
Et quand même bien il y aurait des dégâts, rien ne permet de les attribuer avec certitude aux chamois. Et pour les éviter, il suffit de protéger les plants à l’aide de gaines anti-gibier !
Déjà « régulé » par ses prédateurs naturels
Par ailleurs, en aucun cas le plan de chasse ne tient compte de la présence, dans le Doubs, des prédateurs naturels du chamois : loups et lynx. On estime qu’il y a 30 à 40 lynx dans le Doubs (ainsi qu’une dizaine de loups), qui prédatent naturellement et légitimement environ 10 % des populations de chamois. Priver ces prédateurs protégés de leurs proies naturelles, c’est non seulement porter indirectement atteinte à ces espèces, mais c’est aussi accroitre le risque qu’ils se rabattent sur des proies domestiques.
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Victime potentielle du changement climatique
La préfecture ne prend pas plus en compte les effets potentiellement délétères du changement climatique sur les chamois, que tendent pourtant à démontrer plusieurs études scientifiques récentes, notamment : la survie des jeunes mise à mal en raison de la hausse des températures estivales, des troubles de la reproduction chez les femelles, et la migration de certaines populations montagnardes à des altitudes plus hautes.
Pour un moratoire sur la chasse aux chamois !
Compte-tenu de la dynamique négative des effectifs de chamois dans le Doubs, compte-tenu de la présence de prédateurs naturels du chamois dans ce département, compte-tenu des effets négatifs du changement climatique sur l’espèce identifiés par plusieurs études scientifiques, et compte-tenu, enfin, de l’absence de preuves sérieuses qui tendraient à démontrer que les chamois mettraient en péril les forêts du Jura, l’ASPAS demande urgemment, comme elle l’a fait précédemment dans la Drôme, un moratoire sur la chasse de cette espèce, ainsi qu’un arrêt immédiat des abattages en cours !
Nous invitons également les citoyens sensibles à la cause des chamois à signer la pétition lancée par l’association locale Humanimo.
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© Photo d’en-tête : P. Huguenin