Le Président de la République, qui a parlé pendant quelques minutes de la chasse aux journalistes du média Brut*, vendredi 4 décembre, a glissé quelques mots sur la souffrance animale qui ont interpellé l’ASPAS :
“Les chasseurs, on veut lutter contre les pratiques qui ne sont pas conformes au bien-être animal, on veut réduire les pratiques qui objectivement choquent, et qui ne sont pas conformes au monde dans lequel on vit, et en même temps on veut reconnaître que les chasseurs sont des acteurs de la biodiversité et de la ruralité, ce qui est une réalité.”
Pas conformes au bien-être animal… Voyons voir, cela mettrait donc un terme définitif (liste non exhaustive) :
- Au déterrage des renards, blaireaux, ragondins,
- À la chasse à courre (lire notre article),
- À la chasse sur des animaux en captivité (lire notre enquête),
- Aux élevages de gibier (lire notre enquête),
- A la chasse à la glu, aux pantes, à la matole,
- Aux pièges tuants et non tuants,…
- …
Voilà qui va réjouir l’immense majorité de citoyens choqués par les pratiques brutales de la chasse, et les centaines de milliers de signataires du Référendum pour les Animaux…
Chiche, Manu !
Plusieurs erreurs, par ailleurs…
Emmanuel Macron a évoqué le chiffre de “5 millions de chasseurs”, avant de se reprendre en parlant de façon plus vague de “plusieurs millions de chasseurs”… En vérité, les chasseurs qui ont validé leur permis étaient à peine plus d’un million pour la saison 2019-2020, et ils sont sans doute encore moins cette année (avec une population vieillissante, un loisir qui attire moins les jeunes générations, la baisse de leurs effectifs est continue depuis plusieurs décennies). Mais M. Macron raisonne à n’en pas douter en termes de voix potentielles dans les urnes, et prend en compte l’entourage immédiat d’un chasseur actif (le foyer).
Emmanuel Macron a aussi parlé des chasseurs comme “structuration de la ruralité”… Or le chasseur d’aujourd’hui est de plus en plus urbain, et la division par 2 du prix du permis de chasse national sous le règne macroniste a surtout largement favorisé la mobilité des chasseurs d’une région à une autre. Une battue de chasse fait intervenir des chasseurs qui, pour certains, ne connaissent pas le territoire sur lequel ils chassent.
Emmanuel Macron a également refusé d’admettre que la chasse était un lobby en France… tout en reconnaissant le rôle du lobbysiste Thierry Coste dans le départ de Nicolas Hulot du Ministère de l’Ecologie en 2018 ! Le lobby de la chasse en France, c’est celui qui empêche toute sérieuse réforme de cette pratique ; c’est celui qui maintient à 91 le nombre d’espèces chassables en France (parmi lesquelles nombreuses sont en mauvais état de conservation), c’est celui qui refuse le partage de la nature (toujours pas de jour national sans chasse en France…), etc. C’est surtout celui qui a des moyens financiers énormes par rapport aux associations de protection de la nature.
Emmanuel Macron n’a pas non plus reconnu le grave problème d’insécurité que représente le loisir de la chasse en France. 48h après le décès du jeune Morgan Keane devant sa maison, tué par un chasseur à Calvigac dans le Lot, il aurait été digne de la part du chef de l’État d’avoir une pensée pour sa famille, et de reconnaître le danger de la chasse qui pourrit la vie de tant de familles chaque année en France, chasseurs comme non-chasseurs…
La réforme majeure de la chasse demandée depuis tant d’années par l’ASPAS ne semble pas encore avoir atterri sur le bureau d’un Emmanuel Macron qui, à l’entendre parler de chasseurs “acteurs de la biodiversité” et de “gestion adaptative des espèces” n’a visiblement d’oreilles que pour la Fédération Nationale des Chasseurs, son président Willy Schraen et son lobbyste Thierry Coste. Car oui, et un million de fois oui : la CHASSE EST UN LOBBY !
* Pour écouter / réeccouter l’intervention d’Emmanuel Macron sur la chasse, c’est ici (à partir de 1h58 environ)