Feux de forêt, canicules, sécheresse : les animaux sauvages ont été les premiers à souffrir des aléas du changement climatique au cours de cet été 2022 de tous les records, et un report de la saison de chasse paraissait être une évidence… C’est en ce sens que l’ASPAS a écrit au ministre de l’Écologie et à 84 préfectures de France.
Au cœur d’un des étés les plus secs et brûlants depuis l’année 1900, alors que des milliers d’hectares de forêts partaient en fumée en Gironde, en Ardèche, en Lozère et même en Bretagne, l’ASPAS lançait un cri d’alarme partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux sous le titre “La faune a besoin d’eau, pas de fusils !”
Sur le terrain, vous êtes nombreux à être venus en aide de la petite faune dans votre refuge ASPAS, votre jardin, sur votre balcon – une coupelle d’eau peut parfois suffire ! – quant aux chasseurs, plusieurs se sont vantés d’emmener en forêt des citernes énormes avec leurs tracteurs ou 4×4 pour donner à boire à des animaux… qu’ils tueront un peu plus tard.
Plus choquant encore : alors que l’alerte sécheresse était à son stade le plus critique, d’autres se sont vu accorder des passe-droits scandaleux de la part des préfets pour aller remplir d’eau douce leurs gabions en bord de mer, cela pour ne pas compromettre l’ouverture de la chasse au gibier d’eau qui a démarré comme prévu le 21 août !
18 réponses sur 84…
C’est pour dénoncer ces abus de la chasse loisir et demander un report de l’ouverture générale de cette activité morbide partout en France que l’ASPAS a décidé d’écrire, fin août, au ministre de l’Écologie Christophe Béchu ainsi qu’à toutes les préfectures de France concernées par les incendies et/ou la sécheresse, soit 84 départements.
Six semaines plus tard, seulement 18 réponses nous ont été envoyées, soit 15% des préfectures sollicitées… Aucune n’affirme avoir suspendu ou reporté l’ouverture de la chasse pour laisser souffler la faune sauvage, et beaucoup parlent des orages et de la pluie revenue courant septembre pour justifier leur inaction (ouf ! quelques gouttes tombées et tous les animaux sont sauvés !). Seul le préfet du Cher fait remarquer que la chasse a démarré une semaine plus tard que ce que prévoit la loi dans la région Centre-Val-de-Loire (mais c’était déjà le cas en 2021…).
Dans le Doubs, on apprend via la très brève réponse qui nous a été adressée que les chasseurs ont demandé un report de la chasse au gibier d’eau dans la Vallée du Drugeon (un site protégé classé Natura 2000), certainement parce qu’il n’y avait pas d’oiseaux… à tirer.
Dans les Landes et la Gironde (deux départements très touchés par les incendies mais qui ne nous ont pas répondu), des arrêtés préfectoraux ont bien été pris pour interdire la chasse les après-midis, mais pas pour préserver les intérêts de la faune sauvage ; plutôt pour prévenir du risque de départ de nouveaux feux !
Partout ailleurs, oubliée la crise écologique, on laisse les chasseurs profiter de leur petit loisir comme si de rien était ; ce sont d’ailleurs ces hommes armés que de nombreuses préfectures consultent en priorité pour décider, comme en témoignent les réponses reçues dans le Cantal, le Cher, les Côtes d’Armor, le Puy-de-Dôme. D’autres (le Loiret et la Meurthe-et-Moselle) se rappellent qu’il existe une instance au sein de la Direction départementale des territoires (DDT) appelée CDCFS (Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage), qui pourrait permettre de prendre des décisions à hauteur des enjeux si on y écoutait davantage les experts scientifiques plutôt que les lobbies de la chasse et de l’agriculture…
Hélas, ces lobbies on les lit entre les lignes de plusieurs des courriers, comme celui de la préfecture de Charente qui invoque des dégâts de pigeons dans les champs de tournesol et de sangliers dans les maïs. Ces animaux sont aussi pointés du doigt en Dordogne, où l’on peut lire concernant le sanglier notamment qu’il s’agit d’une « espèce opportuniste » qui vient « trouver refuge dans les cultures, en particulier les maïs irrigués, où ils trouvent à la fois gîte et couvert »… Plutôt que de remettre en question les pratiques agricoles et cynégétiques (le maïs est très gourmand en eau / le maïs est utilisé par les chasseurs pour nourrir les sangliers), on préfère donc ne rien changer et continuer d’entretenir l’illusion de la régulation ! Surtout, on ne parle que des sangliers alors que l’ouverture de la chasse a un impact sur quantité d’espèces…
Dernier élément révélateur de l’inconsidération de la faune sauvage par les autorités : on n’a pas de données qui indiqueraient un quelconque impact négatif de la sécheresse et des canicules de 2022 sur les animaux, donc autant autoriser la chasse comme d’habitude ! Une étude menée sur la population de chevreuils à Chizé (79) après la canicule de 2003 avait pourtant conclu à une forte mortalité des faons et un probable retard de croissance des sub-adultes… Mais si les chasseurs qui sont sur le terrain disent que tout va bien, alors tout va bien… Et tant pis pour le principe de précaution !
Tentons une bonne nouvelle pour conclure : suite à l’incendie qui a ravagé le massif de la Montagnette cet été dans les Bouches-du-Rhône, la préfecture a décidé d’y suspendre la chasse pendant 2 ans la chasse* !
* Des dérogations sont cependant prévues pour la chasse aux sangliers…
© Photo d’en-tête : Fabrice Cahez