Non, les blaireaux ne dévorent pas les brebis vivantes !

D’abord une citation de la Fédération de chasse d’Indre-et-Loire dans La Nouvelle République, ensuite un communiqué délirant du président de celle de la Haute-Vienne… La grosse intox du blaireau tueur de moutons refait surface ces dernières semaines dans le monde cynégétique* ; comme par hasard dans deux départements où la pratique du déterrage a été retoquée par la justice saisie par nos associations ! A l’approche de la Journée mondiale des blaireaux du 15 mai, dont l’objectif est de dénoncer la cruauté de cette technique de chasse et de mieux faire connaître les blaireaux, l’ASPAS tient à rétablir quelques vérités scientifiques…

« [Les agneaux] sont des proies faciles. À cette saison, les blaireautins sont tout juste sevrés et ne sont pas encore aptes à chasser. En général, les blairelles leur apportent des vivres au terrier. »

Ça c’est Valentin Goubeau qui le dit, présenté comme « spécialiste des blaireaux » à la FDC 37 par La Nouvelle République dans un article daté du 20 avril 2024 titré « Des brebis dévorées vivantes par un blaireau ». Un article 100% à charge publié par ce journal diffusé à grande échelle dans tout l’ouest de la France, et qui n’a visiblement pas jugé utile de recueillir les explications objectives d’un biologiste désintéressé…

Un peu plus au sud, en Haute-Vienne, c’est Christian Lafarge, le président de la FDC 87** en personne qui s’improvise expert en gros mustélidés lorsqu’il évoque, dans un communiqué publié le 12 mai 2024 sur sa page Facebook, « des bébés agneaux dévorés par le blaireau, soit des brebis dont le pis a été lui aussi massacré par ce même animal alors qu’elles étaient sur le dos, incapables de se retourner mais encore bien vivantes » !

Dans les deux cas, aucune preuve n’est évidemment apportée pour justifier leurs dires, mais peu importe, leur stratégie est simple et bien ficelée : il s’agit de faire peur, de diaboliser le blaireau pour faire pression sur les préfets, afin de conserver leur droit de massacrer ces animaux via la méthode cruelle de la vénerie sous terre…

Aucune trace ADN de blaireau retrouvée

Il est intéressant de noter qu’en Ecosse, où le blaireau est une espèce protégée, les éleveurs accusent régulièrement le mustélidé de s’en prendre à leurs agneaux. Faute de loups, d’ours et de lynx en Grande-Bretagne, tous éradiqués depuis belle lurette par l’homme, le plus gros prédateur terrestre restant est le blaireau… Un coupable idéal ! Or d’après une étude scientifique récente citée par l’association Blaireau & sauvage, aucune preuve ne permet de corroborer ces accusations. En effet, en procédant à des analyses génétiques sur les cadavres entiers des agneaux, les chercheurs n’ont retrouvé aucune trace d’ADN de blaireau ! Et seulement 5% d’ADN de blaireau a été retrouvé sur les restes d’agneaux. Cela démontre bien que non seulement les blaireaux ne sont en rien responsables des attaques sur les troupeaux, mais que ce ne sont pas non plus des animaux particulièrement charognards…

Si les chasseurs s’intéressaient vraiment à la biologie des blaireaux (il existe une bibliographie scientifique très fournie !), ils sauraient que ces animaux trapus et courts sur pattes se gardent bien d’attaquer des proies plus grosses qu’eux, préférant se rabattre sur des campagnols, des fruits, des végétaux, des larves d’insectes… et des vers de terre !  

* mais aussi au sein de la préfecture de la Haute-Vienne qui, dans la note de présentation de son projet d’arrêté autorisant une période complémentaire de vénerie sous terre à partir du 15 juin 2024, écrit noir sur blanc que le blaireau “peut également s’attaquer à des mammifères vivants tels que des brebis, des agneaux ou des veaux” !

** C’est cette même fédération de chasse qui, rappelons-le, a cherché à détourner la Journée mondiale des blaireaux lancée par l’ASPAS, en appelant à une grande mobilisation dans les rues de Limoges, ce mercredi 15 mai, non pas pour demander l’abolition du déterrage, mais bien pour demander le maintien de ce loisir cruel et barbare…

Le 15 mai, c'est la Journée mondiale des blaireaux !

Pour mieux faire connaître les blaireaux et alerter sur la cruauté du déterrage, une pratique de chasse toujours légale en France, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a proposé de faire du 15 mai la Journée mondiale des blaireaux, une initiative soutenue par de nombreux partenaires associatifs*. Après le succès des éditions 2022 et 2023, les “petits ours” seront de nouveau à l’honneur le 15 mai 2024 et les jours aux alentours, avec des animations organisées aux quatre coins de l’Héxagone. 

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