Protection stricte du loup : 300 ONG européennes co-signent une déclaration commune

Alors qu’une réunion décisive doit se tenir prochainement au sein de l’UE pour discuter de la proposition de rabaisser le niveau de protection des loups, plus de 300 organisations européennes, dont l’ASPAS, manifestent leur opposition à ce projet rétrograde, dans une déclaration commune publiée le 19 septembre à l’initiative du Bureau européen de l’environnement (BEE).

Ci-dessous, retrouvez la version française du texte, suivie de la version originale (en langue anglaise) avec la liste de toutes les associations participantes.

L’UE doit maintenir la protection stricte des loups et renforcer les efforts de coexistence : ne réduisez les progrès faits en matière de conservation !

Les organisations de la société civile et de protection des animaux soussignées appellent les États membres de l’UE à rejeter la proposition de la Commission européenne visant à affaiblir le statut de protection des loups dans le cadre de la Convention de Berne. Nous vous demandons instamment d’intensifier les efforts pour parvenir à la coexistence avec les grands carnivores, tels que les loups et les ours. 

Le loup est une espèce strictement protégée et doit le rester selon les preuves scientifiques. Autrefois presque disparus en raison des persécutions, de la chasse et de la destruction de leur habitat, les loups ont fait un retour remarquable dans les paysages européens, grâce à la protection juridique accordée par le droit international et européen, ainsi qu’aux efforts des autorités environnementales compétentes, des agriculteurs, des scientifiques, des ONG et des communautés locales. Cependant, leurs populations sont encore loin d’être dans un état de conservation bon et viable (1). La dernière évaluation de l’UICN montre que six des neuf populations transfrontalières de loups de l’UE sont vulnérables ou quasi menacées. Abaisser leur niveau de protection aujourd’hui exposerait l’espèce à un risque accru et compromettrait l’obligation légale de l’Union européenne de parvenir à des populations de loups viables et stables. 

À l’heure actuelle, aucune base scientifique ne permet de justifier une modification de la législation existante à l’échelle de l’UE. Le rétablissement du loup est toujours en cours et les principaux objectifs de la convention de Berne et de la directive « Habitats » (à savoir assurer la restauration et la conservation des espèces menacées) n’ont pas encore été atteints. En outre, et comme le confirme l’analyse approfondie de la Commission, il n’existe aucune preuve scientifique que l’abattage réduise effectivement la déprédation des animaux d’élevage. L’objectif de la proposition de la Commission est de réduire la déprédation causée par les loups, mais il n’existe aucune preuve scientifique de l’efficacité de l’abattage pour y parvenir. En fait, il pourrait même être contre-productif et augmenter les attaques sur les animaux d’élevage car il risque de perturber la structure sociale des loups.  

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La proposition de la Commission intervient à un moment où des efforts sont déployés pour assurer la coexistence entre les communautés locales et les populations de loups. Au cours des dix dernières années, l’Union européenne et ses États membres ont consacré beaucoup de temps et de ressources à l’amélioration de la coexistence. Cette démarche est facilitée par plusieurs plateformes européennes et régionales, ainsi que par des projets réussis financés par LIFE, qui présentent des solutions mutuellement bénéfiques à court et à long terme. La proposition visant à réduire la protection des loups compromet tous ces efforts et investissements. Elle s’éloignerait de l’objectif de l’UE de parvenir à une coexistence harmonieuse entre l’homme et les grands carnivores. 

Nous sommes conscients des défis que pose le retour du loup dans certaines régions de l’UE et de l’impact qu’il peut avoir sur les agriculteurs et les propriétaires d’animaux. Il est donc essentiel de redoubler d’efforts pour rendre les mesures de prévention existantes (telles que les clôtures, les chiens de garde et le renforcement de la présence humaine) plus accessibles aux propriétaires d’animaux et de les aider en leur fournissant les outils de prévention appropriés. Les efforts doivent être maintenus pour adapter les solutions existantes à leurs besoins. S’éloigner d’une approche de coexistence pour abaisser le niveau de protection du loup reviendrait à ignorer tous les éleveurs qui ont investi et protègent avec succès leurs troupeaux contre les loups depuis des années. 

Il est essentiel de reconnaître que la sauvegarde des loups en Europe va au-delà de la protection d’une seule espèce ; elle implique la préservation de la biodiversité et la promotion d’une cohabitation équilibrée avec la nature. Les loups jouent un rôle essentiel dans la stabilité des écosystèmes. Leur retour dans des régions où ils avaient été éradiqués constitue une avancée significative en matière de conservation. Dans le contexte actuel de crise mondiale de la biodiversité, nous ne pouvons pas risquer de compromettre ces progrès. 

Des enquêtes récentes indiquent que le public des États membres est très favorable au maintien de mesures de protection strictes et à la promotion de la coexistence avec les loups, même au sein des communautés rurales les plus touchées par la présence des grands carnivores. Les loups font partie intégrante de notre patrimoine et de nos paysages européens communs.  

Plutôt que de réduire la protection des loups, l’Union européenne devrait au contraire : 

  • Maintenir et renforcer les efforts visant à promouvoir la coexistence entre les loups et les communautés locales, en mettant l’accent sur les mesures de prévention visant à réduire les déprédations sur les animaux d’élevage et en améliorant les systèmes d’indemnisation. De nombreux États membres devraient mieux utiliser les informations existantes sur les mesures de coexistence, les exemples de bonnes pratiques et les possibilités de financement de l’UE. 
  • Veiller à l’application correcte de la protection juridique offerte par la directive « Habitats » dans tous les États membres et mettre fin à la chasse illégale aux loups. Les États membres doivent dissuader les crimes contre l’environnement et non les légaliser, comme l’a confirmé la Cour de justice de l’Union européenne dans une affaire récente (2). 
  • Soutenir les initiatives visant à sensibiliser les citoyens et à leur fournir des informations précises et scientifiquement fondées sur les loups, notamment sur les avantages écosystémiques et socio-économiques apportés par les grands carnivores et sur le comportement à adopter en cas de rencontre. Les citoyens de l’UE ont le droit d’être bien informés. 
  • Respecter le processus scientifique en bonne et due forme inscrit dans la législation européenne relative à la conservation de la nature. Conformément à l’article 17 de la directive « Habitats », les États membres présenteront leur évaluation de l’état de conservation en 2025. Toute discussion sur le statut de protection doit se fonder sur ces rapports et non sur des pressions politiques.   

L’abaissement des protections juridiques pour le loup n’entraverait pas seulement les efforts de conservation, mais irait également à l’encontre du fort soutien du public et des preuves scientifiques en faveur de la conservation du loup en Europe. En outre, la proposition de la Commission européenne, motivée par des considérations politiques, risque fort de créer un précédent pour d’autres espèces et d’ouvrir la voie à d’autres modifications des lois européennes sur la nature. Cela entraînerait une incertitude juridique et ferait reculer des années d’efforts de conservation efficaces sur l’ensemble du continent. Une telle décision ternirait gravement la réputation de l’UE en tant que leader dans le domaine de la protection de l’environnement. 

  1. Les populations de loups de l’UE sont dans un état de conservation défavorable ou inadéquat dans six des sept régions biogéographiques, selon les évaluations les plus récentes réalisées en vertu de l’article 17 de la directive « Habitats ».  
  1. Arrêt du 11 juillet 2024, WWF Österreich et autres, affaire C-601/22, ECLI:EU:C:2024:595. 

Version originale du texte :

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