Dimanche 10 mars 2024, un pêcheur de truites a fait une très macabre découverte sur les abords de la Lemme, petite rivière fantasque des montagnes du Jura : attiré par une odeur pestilentielle, il s’est vite rendu compte qu’il se trouvait au milieu d’une vingtaine de cadavres de renards dispersés ci-et-là, à des stades de décomposition plus ou moins avancés…
Captées par le pêcheur choqué, les photos et vidéos de la scène de crime ont été relayées en masse sur les réseaux sociaux via le compte du journaliste et lanceur d’alerte Hugo Clément, générant une vive vague d’indignation sur les réseaux sociaux.
Ça, ce n’est pas de la chasse, c’est un massacre gratuit. Des dizaines de renards tués puis jetés au bord d’une rivière dans le Jura, près de Morillon. Un pêcheur vient de m’envoyer ces photos.
— Hugo Clément (@hugoclement) March 11, 2024
C’est horrible, n’est-pas ? Oui, mais c’est légal de massacrer ces animaux, car le… pic.twitter.com/H1qzKW9WyJ
Une enquête rapidement ouverte par l’OFB a permis de remonter la piste d’un lieutenant de louveterie, un chasseur missionné par l’Etat pour effectuer des abattages de renards… Plus précisément, d’après un communiqué de la préfecture du Jura cité par la presse, ce tueur de renards agissait dans le cadre d’un arrêté municipal daté du 9 janvier 2024, adopté par le maire de Fort-du-Plasne, autorisant la destruction illimitée des renards sur tout le territoire de la commune…
L’Etat cautionne la destruction illimitée de renards presque partout en France !
Le pire, c’est que (presque) tout est légal dans cette histoire, un maire étant tout à fait dans son droit de prendre un arrêté autorisant des battues administratives à l’encontre de tel ou tel animal sauvage. Ces battues doivent toutefois répondre à une nécessité d’intérêt général, donc à une situation anormale causant un problème (surpopulation d’une espèce, dégâts importants sur des cultures, etc.) ne pouvant être résolu par la réglementation liée à la chasse ou au piégeage, notamment. Or les chasseurs sont parfois prompts à demander leur organisation afin de pratiquer leur loisir en dehors de la période de chasse ou en des lieux qui leur sont interdits.
En revanche, contrairement aux chasseurs à qui l’Etat laisse le soin de gérer les cadavres et restes d’animaux tués entre amis « selon les bonnes pratiques cynégétiques » (!), les animaux « détruits » (c’est le terme officiel) dans le cadre de battues administratives doivent en principe être pris en charge par les services de l’équarrissage. Ici, les nombreux cadavres de renards gisant aux abords de la rivière présentent un risque réel de pollution, et c’est précisément ce facteur qui va permettre à l’ASPAS de déposer plainte devant le procureur. Si ce charnier avait été découvert ailleurs, au milieu d’une forêt et loin de la rivière, l’onde de choc aurait beau être a même, aucune illégalité n’aurait véritablement pu être soulevée…
Victime à tort d’un véritable acharnement…
Malgré une très forte mobilisation des associations, scientifiques, lanceurs d’alertes et des citoyens au moment de la consultation publique lancée au printemps 2023, le ministère de l’Ecologie a de nouveau placé le renard parmi les « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD) dans 88 (!) départements dont le Jura, une liste de la mort établie sans aucun fondement scientifique qui légalise la destruction illimitée des espèces qui y figurent, et ce jusqu’en 2026…
Alors qu’il est un précieux auxiliaire de l’agriculture (chasseur de campagnols, de lapins) et un indispensable équarisseur naturel (consommateur de charognes et de proies malades), le Renard roux continue donc de subir dans la France de 2024 un acharnement totalement injustifié : à la fois victime de la chasse à tir, de la chasse à courre, du déterrage, du piégeage, il peut également faire l’objet de battues administratives, à toute époque de l’année…
La justice au secours des renards
Contre ces battues souvent abusives régulièrement autorisées par les maires et les préfets sous la pression des chasseurs (les renards sont accusés de chasser leur « gibier »…), l’ASPAS a remporté de nombreuses victoires en justice au cours des dernières décennies. Grâce à cette jurisprudence, le nombre d’arrêtés préfectoraux anti-renards a nettement diminué ces dernières années.
Par ailleurs, l’été dernier, l’ASPAS a engagé un recours devant le Conseil d’Etat contre l’arrêté ministériel « ESOD » du 3 août 2023. S’agissant du renard, 68 classements départementaux ont été attaqués, dont celui du Jura. Contre l’arrêté triennal précédent (2019-2023), l’ASPAS avait pu obtenir le déclassement du renard dans l’Essonne, le Val d’Oise, les Yvelines et certaines zones du département des Vosges.