Située à plus de 1200 mètres d’altitude, en plein cœur du Parc des Volcans d’Auvergne, la Réserve naturelle des sagnes de La Godivelle protège aujourd’hui* plus de 143 hectares de nature, notamment des tourbières particulièrement fragiles. Plus de 1500 espèces (animaux, mousses, plantes, champignons) sont recensées sur ce site à haute valeur patrimoniale. Parmi elles : l’agrion à lunule (une rare libellule), la ligulaire de Sibérie (plante carnivore !), la loutre d’Europe ou encore la pie-grièche grise (oiseau en très mauvais état de conservation).
Début juillet 2024, pour renforcer encore davantage la protection de la Réserve, la préfecture a défini par arrêté de nouvelles zones interdites au public. Objectif : limiter la dégradation de ce biotope sensible provoquée par le piétinement.
Toute mesure visant à renforcer la protection des milieux naturels est évidemment à saluer, la France ayant beaucoup de retard par rapport à ses voisins européens et à ses objectifs (10% de nature en « protection forte » d’ici 2030 !). Oui, sauf que la France est dans le même temps championne des exceptions et des dérogations en tout genre, la plupart du temps pour « protéger » non pas la nature, mais les intérêts des agriculteurs, des éleveurs, des sylviculteurs… et des chasseurs.
La Réserve naturelle des sagnes de La Godivelle n’échappe pas à la « règle » : si la chasse est interdite depuis 1975 dans les zones appartenant à l’Etat (un tiers seulement de la Réserve…), ce n’est pas le cas dans les deux autres tiers, qui appartiennent à des propriétaires privés.
Mais il y a « mieux » : l’article 5 de l’arrêté du 3 juillet 2024, qui définit donc les parcelles à ne pas piétiner, prévoit une dérogation pour les chasseurs afin qu’ils puissent procéder au « ramassage du gibier » dans ces zones pourtant interdites !
La brochure de présentation du projet d’extension de la Réserve de la Godivelle, diffusée en 2019 avant la parution de l’arrêté, expliquait pourtant que « sur certaines zones, l’accès sera limité [pour chasseurs] car la végétation y est si fragile que le piétinement répété peut entraîner la disparition de plantes protégées. »
Ce qui est limité n’est pas forcément interdit : c’est toute la nuance…
Pour résumer : non seulement les chasseurs et leurs chiens peuvent librement pratiquer leur loisir morbide dans 66 % de la réserve naturelle, ils peuvent aussi aller piétiner les parcelles fragiles pourtant fermées au public, juste pour récupérer les animaux qu’ils auront tué ou blessé avec leurs fusils…
*Créée en 1975 sur une surface de 24 hectares, la Réserve de la Godivelle a bénéficié d’une extension importante en 2020.