Pour dénoncer les périodes complémentaires de chasse sous terre autorisées en France à l’encontre des blaireaux, 10 associations de protection des animaux et de la nature* avaient déposé plainte devant le Comité de la Convention de Berne, le 15 mai 2023, à l’occasion de la 2e Journée Mondiale des Blaireaux initiée par l’ASPAS. Après 5 mois d’attente, sous prétexte que les périodes de vénerie sous terre sont en diminution du fait des nombreuses victoires locales obtenues depuis 2020 devant les tribunaux administratifs, le Bureau du Comité a décidé de rejeter notre plainte, sans consulter les études qui y étaient mentionnées.
Nous regrettons cette (non) décision peu ambitieuse et purement diplomatique. En conséquence, nous nous retournons désormais vers le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, afin d’obtenir de sa part un acte politique fort, devant la cruauté inhérente à la pratique de la vénerie sous terre, et à hauteur de la jurisprudence positive accumulée ces dernières années en faveur des blaireaux.
En ratifiant la Convention de Berne en 1982, la France s’est engagée à prendre les « mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour protéger les espèces de faune sauvage énumérées dans l’annexe III », annexe où figurent les blaireaux. Cette convention prévoit des dérogations « d’exploitation » de ces espèces, mais seulement à condition qu’elles « ne nuisent pas à la survie de l’espèce concernée », qu’elles soient sélectives et qu’il n’existe pas de solution alternative satisfaisante.
En période de chasse, les blaireaux peuvent être tirés jusqu’à la fin du mois de février, et déterrés jusqu’au 15 janvier. Le préfet peut ensuite autoriser une période complémentaire de vénerie sous terre entre le 15 mai et jusqu’à l’ouverture de la chasse générale en septembre, période de l’année où des jeunes non émancipés sont pourtant susceptibles d’être présents dans les terriers… La vénerie sous terre, rejetée par 84% des Français selon un récent sondage**, est particulièrement violente et destructrice non seulement des blaireaux, mais aussi de leur habitat, véritable refuge pour de nombreuses autres espèces, y compris protégées.
Or, comme les associations l’ont démontré dans le rapport d’expert remis le 15 mai dernier au comité de Berne, la France ne respecte aucune de ces conditions. En effet, alors qu’elle autorise leur chasse 8 mois par an et ce, sans quota (les blaireaux n’étant pas soumis aux plans de chasse), elle n’a aucune idée des effectifs de blaireaux présents sur son territoire… Par ailleurs, la chasse par déterrage est une méthode de chasse non sélective, à l’aveugle, lors de laquelle de nombreux blaireautins sont tués chaque année (souvent directement par les chiens introduits dans les terriers), de l’aveu même des chasseurs qui transmettent leurs données aux préfectures.
Malgré ces données, le Comité de Berne a décidé de classer notre demande sans suite “au motif qu’elle était en grande partie la même que celle classée l’année précédente (Abattage incontrôlé du blaireau en France / Uncontrolled badger cull in France – 2020/7) et qu’il y avait eu des développements positifs récents, à savoir que plusieurs décisions de justice avaient annulé des périodes de chasse supplémentaires”…
Au lieu de rappeler à la France ses engagements, en lui implorant de prendre les mesures politiques nécessaires à la bonne conservation des blaireaux qui seraient là d’authentiques “développements positifs” pour la sauvegarde de cette espèce, le Comité de Berne se félicite des “développements positifs” générés par l’action de nos associations devant la justice – près d’une trentaine d’arrêtés suspendus à l’été 2023 sur ce sujet -, pour justement dénoncer les manquements de l’Etat français !
Puisque le Comité de Berne se refuse de condamner en quelque façon les agissements de la France, et forts de la décision récente du Conseil d’État qui reconnaît l’importance de protéger les “petits” des blaireaux, nous nous retournons aujourd’hui vers le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, afin d’obtenir de sa part un acte politique fort à hauteur de la jurisprudence positive accumulée ces dernières années en faveur des blaireaux. La vénerie sous terre, en plus de provoquer la mort illégale de blaireautins, est une technique de chasse particulièrement cruelle, incompatible avec les considérations de bien-être animal pour lequel le gouvernement prétend s’engager.
* ASPAS, AVES France, le collectif Renard Blaireau, FNE Aura, FNE Loire, Humanité & Biodiversité, la LFDA, MELES, la LPO et One Voice
** Sondage Ipsos/One Voice d’octobre 2023, tendance confirmée depuis 2018
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