Un plan mouton qui s’attaque aux loups !

On le redoutait depuis deux mois : le nouveau “Plan national d’actions” (PNA) pour la conservation du loup a finalement été publié par l’Etat à la veille de l’ouverture du Salon de l’Agriculture, sans aucun changement substantiel par rapport au projet dévoilé fin 2023. Alors que l’objectif d’un PNA est en principe de garantir la conservation d’une espèce, l’Etat se donne au contraire les moyens pour faciliter encore plus le tir de loups, tout en renforçant les aides à l’élevage et en appuyant la volonté de l’UE de rabaisser le niveau de protection du grand prédateur. Un texte qui défend donc mieux les moutons que les loups… une première dans l’histoire d’un PNA! 

Malgré les avis négatifs des scientifiques, les alertes des associations et 90% d’avis défavorables au PNA déposés par les citoyens dans le cadre de la consultation publique, le ministère de la Transition écologique publie un plan bourré d’inexactitudes et d’affirmations mensongères, en particulier sur l’état de conservation de l’espèce en France, le bilan des dommages et les difficultés de l’élevage et du pastoralisme. 

L’ASPAS regrette l’absence totale d’évaluation du PNA précédent (2018-2023) et d’analyse de l’évolution de la situation en termes de dommages, de développement de la population de loups, de valorisation des expériences de terrain favorisant la coexistence, ou de baisse du nombre d’animaux d’élevage tués par rapport au nombre de loups présents. Le gouvernement fait ainsi le choix délibéré d’utiliser les dérogations juridiquement prévues dans le statut de protection pour organiser sans l’assumer une véritable régulation du loup. Pour cela, il simplifie les procédures d’abattage, empêche le rétablissement d’une population viable de l’espèce sur son aire naturelle de répartition, décrète des zones de non protégeabilité et facilite les tirs de loups sans la mise en place de moyens de protection !

De plus, les principaux points d’engagement de l’Etat concernent la modification du statut du loup et son déclassement d’espèce strictement protégée, la facilitation des autorisations et modalités de tirs, aboutissant à une augmentation des destructions de loups à proximité d’élevages subissant très peu d’attaques. Alors que ce PNA devrait garantir la bonne conservation de l’espèce en France tout en assurant le soutien et l’accompagnement du pastoralisme, il n’est fait mention que des impacts négatifs de la présence du loup et pas des bénéfices qu’elle apporte, notamment pour la régulation des populations de grands ongulés nécessaire au bon fonctionnement des écosystèmes forestiers.

Il est regrettable que le gouvernement s’obstine dans cette voie court-termiste de la régulation du loup qui ne répondra pas aux difficultés des éleveurs. Plus de 30 ans après son retour en France, il est temps d’admettre que le loup est présent pour longtemps, et va continuer à gagner de nouveaux territoires. Il est donc préférable d’anticiper et d’accompagner les éleveurs pour mettre en œuvre le triptyque de protection qui a fait ses preuves : présence humaine auprès des troupeaux, chiens de protection et clôtures.

Ce qui va changer pour les loups en 2024

Publié en même temps que le nouveau PNA, le nouvel arrêté du 21 février 2024 encadrant les tirs de loups ouvre dangereusement la voie à une régulation systématique du grand prédateur… 

Aucune amélioration du précédent protocole n’a été apportée dans ce nouvel arrêté :

  • Aucune des études menées n’a permis de démontrer que les abattages de loups tels que pratiqués par la France ont permis de faire baisser les dommages sur le bétail ;
  • L’effarouchement non létal n’est toujours pas une exigence préalable au tir, même s’agissant des troupeaux considérés comme non protégeables ;
  • Les tirs de défense continuent d’être déconnectés des dommages : les éleveurs, dès lors qu’ils protègent leurs troupeaux, peuvent obtenir une autorisation de tir même s’ils n’ont jamais été attaqués !
  • Les tirs de défense continuent à être autorisés, non seulement en l’absence d’attaque, mais aussi en l’absence de toute mesure de protection (sur les troupeaux déclarés comme non protégeables, ou situés sur les fronts de colonisation du loup)…
  • Les tirs de prélèvement continuent à être autorisés, véritables chasses aux loups qui n’assurent pas la défense des troupeaux mais consistent à tuer à tout prix un ou plusieurs loups dans un secteur, qu’ils soient ou non à l’origine des dommages allégués !

Pire encore, comme décrit dans le nouveau PNA, l’Etat facilite en plus plus les possibilités de tir de loups : 

  • Les tirs de défense qui ne pouvaient être mis en œuvre que par un seul tireur autour d’un troupeau pourront être mis en œuvre par 2, voire jusqu’à 3 tireurs simultanément sur chaque troupeau, et même sur chaque lot d’animaux si le troupeau est ainsi divisé ;
  • Pour plus de discrétion, tous les tireurs pourront utiliser des dispositifs d’amplification de la lumière ou de détection thermique, et ne seront donc plus obligés d’utiliser un éclairage en cas de tir de nuit ;
  • Les tirs de défense renforcés (jusqu’à 10 tireurs autour d’un troupeau) seront encouragés par les préfets qui informeront tout au long de l’année les éleveurs de leur éligibilité à ce type de tirs ; 
  • Les autorisations de tirs de défense, simple ou renforcée, ne seront pas suspendues après destruction d’un loup… Cela veut dire que même sans nouvelle attaque, les tirs pourront continuer sans évaluation de l’effet de cette destruction !

Avec ces nombreux assouplissements, la visée de l’État n’est donc pas de faire baisser la prédation sur le bétail, mais bien de stopper coûte que coûte la croissance et l’expansion de la population de loups, ce qui est en totale contradiction avec les engagements internationaux de la France !  

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