Étude : une première meute de loups noirs confirmée en France ! 

À l’été 2021, ayant observé sur leurs pièges-photo disposés dans le Massif de la Sainte-Baume le passage de canidés suspects au pelage noir (une femelle adulte et plusieurs louveteaux), la Fédération des Chasseurs du Var a décidé de s’offrir une étude* scientifique. Objectif : confirmer leurs soupçons qu’ils avaient affaire à des hybrides chiens-loups…


Aucune hybridation récente détectée  

Pendant plusieurs mois, à l’aide d’un chien-pisteur, des fèces ont été recherchées et des échantillons envoyés au laboratoire ANTAGENE pour être analysées. Dans le même temps, des caméras-pièges ont continué à être utilisées pour identifier visuellement les différents individus et décrire l’évolution de leur pelage au fil des semaines.

Les résultats, publiés en 2025 dans la revue Zoodiversity sont formels : aucune trace ADN récente de chien domestique n’a été retrouvée dans les échantillons. Les canidés soupçonnés d’hybridation sont bel et bien des loups gris, de souche italo-alpine, 100% libres et sauvages ! La meute a été baptisée “Sirius Black”.

L’hybridation, prétexte pour appeler à tuer davantage de loups 

La menace de l’hybridation est une petite musique savamment entretenue parmi les opposants au loup, et pour cause : l’élimination des hybrides serait théoriquement plus facile à obtenir, depuis que le comité permanent de la Convention de Berne a recommandé, en 2014, de “veiller à ce que l’élimination des hybrides du loup et du chien soit réalisée sous le contrôle du gouvernement et uniquement après confirmation par les agents de l’État et/ou par des scientifiques se fondant sur leurs caractéristiques génétiques et/ou morphologiques qu’il s’agit bien d’hybrides. 

En France, où les anti-loups ont trouvé en 2017 et 2018 des porte-voix au Sénat (notamment François Bonhomme et Martine Berthet, du parti les Républicains), une étude de l’ONCFS avait pourtant permis d’objectiver les choses et de conclure à un taux très faible d’hybridation au sein de la population lupine (3,7 %), un résultat cohérent avec ce qui est constaté chez nos voisins européens.  

Bref, le phénomène d’hybridation, s’il est réel en France, est anecdotique et ne justifie en rien le recours aux fusils. 

Tirer le loup pour lutter contre les dégâts… cynégétiques ?!  

Hybride ou pas, le loup est quoiqu’il en soit perçu comme un concurrent pour les chasseurs. Même si certaines fédérations de chasse sont moins fermées que d’autres à l’idée de cohabiter avec le grand prédateur, il suffit de se référer au schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC) pour la période 2023-2029 de la Fédé de chasse 83 pour comprendre que son retour dans le département est vu d’un mauvais œil, puisqu’il aurait amené la disparition de “certains noyaux de populations” de mouflons et de cerfs sikas, soit deux espèces exogènes introduites en France par les chasseurs et pour les chasseurs…!  

Quelques pages plus loin de ce document (approuvé par le préfet), on tombe même sur un tableau qui présente les orientations à venir de “la gestion du loup”, où l’on apprend qu’il est prévu de former les chasseurs au tir de cette espèce pour limiter les dégâts agricoles…et cynégétiques

En tant qu’espèce strictement protégée, le loup ne peut pas faire l’objet de tirs de dérogations pour protéger le “gibier” des chasseurs, mais qui sait, demain, s’ils n’obtiendront pas gain de cause auprès du gouvernement maintenant que l’espèce a été déclassée au niveau européen… 

Des loups gris… noirs ?  

En France (et en Europe), il n’y a qu’une seule espèce de loup présente : le loup gris (Canis lupus). Au sein de cette seule et unique espèce, on retrouve différentes lignées génétiques caractérisées par certains phénotypes différents (taille, pelage, etc.), selon leur aire historique de présence (germano-polonaise, italo-alpine, ibérique, etc.).

Aujourd’hui, grâce au rétablissement progressif de la population rendu possible par la protection stricte de l’espèce, ces lignées longtemps isolées les unes des autres commencent à se rencontrer et à se mélanger, ce qui est une bonne nouvelle pour la conservation de l’espèce.

Ceux qu’on appelle des “loups noirs” ne correspondent pas à une lignée particulière ; ce ne sont autres que des loups gris avec un pelage majoritairement noir. Ce mélanisme est assez commun en Amérique du Nord (plus de la moitié de la population serait concernée), mais en Europe il reste très rare. Dans certaines zones localisées, cependant, ce phénotype particulier est plus répandu, c’est le cas notamment en Italie dans la partie nord du massif des Apennins.

Sachant que les loups du sud-est de la France sont très majoritairement originaires d’Italie, il n’était qu’une question de temps avant des loups noirs soient formellement identifiés de ce côté-ci de la frontière. Cette projection a donc été confirmée, en 2025, grâce aux résultats sans équivoque de l’étude génétique menée dans le Massif de la Sainte Baume, plus de trente ans après le retour spontané du loup en France.  

Espérons que ces loups noirs, uniques en France, ont survécu aux tirs des lieutenants de louveterie et ceux des braconniers, et que leurs gênes rares ont pu être passés à leurs descendants !


*Source : Roda, F., & Philibert, J.-N. (2025). First Mention of a Wolf-Pack with Black Phenotypes in Provence (Sainte-Baume, France): Genetic Investigation of a Suspected Hybridization Event. Zoodiversity, 59(5). Pour lire l’étude complète en PDF, cliquez ici

Photo d’en-tête © Suzanne van OYE ZACH.
Suzanne est auteure du livre LOUP, aux éditions le naturographe. Merci à elle d’avoir autorisé l’ASPAS à reproduire cette photo captée par l’une de ses caméras-pièges, quelque part dans les Alpes.

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