Les renards s’attaquent-ils davantage aux poules dans les zones où ils ne sont ni chassés, ni piégés ? La réponse est non ! Mais alors, quel est donc le secret pour réduire les intrusions de prédateurs dans les poulaillers ? Des clôtures adaptées et des portes bien fermées la nuit. Eh oui ! Il a fallu quatre ans d’étude pour valider un tel constat…
C’est une étude scientifique inédite (intitulée CARELI*) qui a été menée en France, entre avril 2021 et janvier 2025, pour analyser le bien-fondé du classement “ESOD” des renards pour réduire les dégâts sur les élevages avicoles. La Fédération des chasseurs du Doubs a accepté de jouer le “jeu”, en s’abstenant de chasser et de piéger les renards sur deux sites d’étude situées à deux altitudes différentes dans le département (basse montagne et moyenne montagne).
Hélas, pour le “bien” de l’étude, d’autres renards ont eu beaucoup moins de chance. C’est que pour comparer les résultats, il a bien fallu définir des zones d’études où le massacre peut se poursuivre comme à l’accoutumée (pour rappel, le renard est “ESOD” dans 88 départements), même si dans le Doubs, l’acharnement contre les renards est moins intense que dans d’autres départements (question de culture, de tradition locale…).
Un taux de prédation… de 2,7% !
Au total, 231 poulaillers ont été concernés par l’étude (dont 73 % de petits élevages familiaux avec moins de 10 poules), répartis dans une vingtaine de communes. Pendant toute la durée de l’expérience (3,8 années), 1 105 oiseaux ont été prédatés dans 109 poulaillers, ce qui représente, en moyenne, un taux de 2,7% de prédations par an. Il est intéressant de constater que 122 poulaillers n’ont donc subi aucune attaque. Risquons-nous à cette hypothèse : peut-être étaient-ils mieux protégés que les autres ?
Dans les poulaillers qui ont subi des dommages, près de la moitié des prédations ont été attribuées aux catégories « renard » et « renard probable », l’autre moitié étant imputée à d’autres prédateurs avec une certaine part d’incertitude : fouine, autour des palombes, chien, etc.
Autrement dit, il n’y a pas que les renards qui sont susceptibles de s’attaquer aux poulaillers, a fortiori lorsque ces derniers sont insuffisamment bien protégés.
Chassés ou pas chassés, les populations de renards restent stables
Malgré la suspension de toute activité de chasse et de piégeage dans les zones d’étude concernées, aucune variation sensible de la population de renards n’a été constatée. Idem dans les zones où les abattages se sont pourtant poursuivis (886 individus tirés ou piégés…). Ces résultats ne sont guère surprenants dans la mesure où les abattages n’ont concerné “que” 10 à 16 % de la population totale estimée, et quand la littérature scientifique nous apprend que les renards, en tant que prédateurs territoriaux, sont capables de s’autoréguler en compensant et en adaptant leurs portées selon la taille du territoire occupé et la quantité de nourriture disponible.
Chassés ou pas chassés, les renards ne provoquent pas plus de dégâts
Autre fait important révélé par l’étude : aucune différence statistique majeure n’a été constatée dans la part de dommages attribués aux renards dans les différentes zones d’études.
Toutes causes confondues (renards & autres prédateurs), les chercheurs ont même constaté, de façon contre-intuitive, une part plus importante de dégâts aux poulaillers dans l’une des deux zones de l’étude où le renard continuait pourtant à subir la chasse et le piégeage ! Tout tend donc à démontrer que pour réduire les attaques, mieux vaut miser sur la protection de son poulailler plutôt que sur la destruction des prédateurs…
Un poulailler solide et bien fermé = problème réglé
De fait, l’étude apporte des données précises sur les causes des prédations : 41 % sont dues à des négligences humaines (poulailler laissé ouvert, par exemple…), 36 % dues à un abri ou des moyens de protection jugés insuffisants, 5 % pour des poules échappées de leur enclos et 19 % à une effraction par le renard.
Bref : plus un poulailler est protégé et surveillé, moins il y a de prédations. Évident ? Oui, mais maintenant il y a une étude scientifique qui le démontre !
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Au final, l’ensemble de ces résultats – largement positifs pour les renards – permettent aux chercheurs d’affirmer qu’il n’y a « aucune association entre le statut ESOD du renard et les dommages, quel que soit l’écosystème (moyenne montagne ou basse montagne) ». Et de se risquer à avancer qu’« une meilleure protection des poulaillers et des parcours extérieurs serait plus efficace et socialement acceptable qu’une élimination accrue d’une espèce dans son aire de répartition naturelle ».
À noter qu’une étude britannique de 2004 (Moberly et al.) était déjà arrivée à des conclusions similaires, les chercheurs estimant que « la gestion des poulaillers serait le moyen le plus efficace de réduire la prédation des renards plutôt qu’un contrôle plus important de ces derniers. ».
#PasNuisible !
Maintenant qu’il existe une étude française, fini le classement “ESOD” pour le renard ? Le prochain arrêté ministériel, prévu pour l’été 2026, nous le dira… Évidemment, le lobby de la chasse continuera de faire pression sur les préfets et le ministère de l’Écologie pour que notre cher goupil reste le pestiféré à détruire, par tous les moyens, tant qu’il sera accusé de s’en prendre au “petit gibier” des chasseurs et qu’il gâchera leur loisir morbide (qu’on se le dise : c’est LA raison principale pour laquelle ils veulent les éliminer, la plupart des autres accusations ne sont que des prétextes…).
Quoi qu’il en soit, pour l’ASPAS et tous les défenseurs du renard, les résultats de l’étude CARELI tombent à pic à quelques mois du prochain classement triennal. Ils démontrent bien que l’abattage des renards est inutile pour réduire les dommages aux élevages avicoles, et en cela ils nous permettront de renforcer notre arsenal juridique et scientifique en faveur de l’espèce. Vive le Renard !
* Didier Pépin, Pierre Feuvrier, Thibaut Powolny, Patrick Giraudoux. Au-delà de la controverse, étude des effets de la gestion du renard roux sur les volailles dans le massif du Jura, France. 2025. ⟨hal-05224145⟩
Pour les renards, faites des déclarations de NON-dégât !
Vous êtes éleveur professionnel ? Ou simple propriétaire d’un poulailler familial ? Afin de montrer que la cohabitation avec le renard est possible, voire souhaitable et nécessaire, nous vous proposons de remplir un formulaire détaillé avec la description de votre élevage, la qualité de votre protection, votre milieu d’habitation, accompagné de votre témoignage. En quelques minutes et grâce à ces preuves, vous pourrez aider les associations à œuvrer en faveur d’une réhabilitation de goupil. Merci pour votre participation !

