C’est avec une infinie tristesse que l’ASPAS a appris la disparition de Jane Goodall, la célèbre écologue qui a révolutionné notre regard sur les animaux sauvages, mardi 01 octobre 2025 à l’âge de 91 ans.
En 2024, celle qui s’est battue toute sa vie pour la défense du Vivant aux quatre coins de la planète, avait choisi de marrainer l’ASPAS, plus particulièrement notre programme de Réserves de Vie Sauvage®, ces écrins de nature que nous acquérons et que nous protégeons des activités humaines impactantes pour laisser la libre évolution faire son œuvre.
Comme elle le disait si bien, « la résilience de la nature est une véritable raison d’espérer. Lorsque la nature est respectée et que les habitats sont protégés ou restaurés, les animaux qui étaient en danger peuvent se voir offrir une nouvelle chance. »
À la faveur d’un partenariat inédit noué avec le Jane Goodall Institute France, la grande primatologue avait accepté de prêter son nom à notre Réserve de Vie Sauvage® du Trégor, dans les Côtes-d’Armor. Une première mondiale ! Originellement prévu le 17 septembre dernier, le baptême de ce lieu devenu Réserve de Vie Sauvage® Jane Goodall – Trégor a dû être reporté en raison des grèves dans les transports.
Une grande dame s’en va, mais son nom restera. Située sur la commune de Ploubezre dans les Côtes-d’Armor, à côté de Lannion, l’unique Réserve Jane Goodall au monde protège 60 hectares de forêts alluviales en bordure du fleuve Léguer. Loutres, saumons, chauves-souris, salamandres, fougères, chênes, hêtres et autres organismes sont ici libres d’évoluer à leur rythme, sur le très long terme, sans crainte de voir leur milieu détruit par les activités humaines.
L’ASPAS et le Jane Goodall Institue vont poursuivre le travail scientifique déjà commencé sur site. La réserve a en effet vocation à devenir un véritable laboratoire d’observation de l’évolution dans le temps de la biodiversité et des écosystèmes, pour voir comment ceux-ci s’adaptent aux changements globaux en cours.
Nos organisations respectives souhaitent également consolider un travail de sensibilisation et d’incitation à l’action pour un monde meilleur auprès des plus jeunes. Des animations et des actions pédagogiques seront proposées aux enfants et aux adultes du territoire, en partenariat avec la commune, pour leur permettre de découvrir et de s’émerveiller des richesses d’une nature préservée.
“Tous les départs ne se valent pas”
Yolaine de la Bigne, administratrice et porte-parole de l’ASPAS, réagit à la disparition de Jane Goodall :
Tous les départs ne se valent pas. Celui de Jane Goodall est une perte immense. Elle a bouleversé notre regard sur le monde par son parcours scientifique, son rôle emblématique auprès des femmes, sa personnalité.
Amoureuse des animaux, la petite Jane était fascinée par tout ce qui bougeait et n’hésitait pas à mettre des vers de terre dans son lit pour leur tenir chaud. Sa mère lui expliquait qu’il valait mieux les laisser libres et les observer de loin. Jane a toujours rêvé de partir vivre avec des animaux. C’est en 1960 que son rêve se réalise quand le célèbre anthropologue britannique Louis Leakey entreprend d’étudier les primates pour y déceler les origines de l’humanité. Grâce à une idée géniale : choisir des jeunes filles, dont « l’esprit serait vierge de toute théorie scientifique » car selon lui les femmes sont plus patientes et empathiques pour approcher et créer des liens de confiance avec des populations sauvages.
Avec l’américaine Dian Fossey qui se consacrera aux gorilles du Rwanda avant d’être assassinée par des braconniers, et la canadienne Biruté Galdikas qui se spécialisa dans les orangs outangs à Bornéo, il choisit une jeune secrétaire britannique, ignorante et passionnée, pour partir en Tanzanie auprès des chimpanzés du Parc national de Gombe. Jane part seule, sans aucune formation ni idée de ce qui l’attend, accompagnée de sa bonne fée, sa mère, qui veillera à ce que sa fille mange et dorme correctement.
Passionnée, têtue, n’ayant peur de rien, avec un calme et un flegme « so british », Jane va lier des liens d’amitiés incroyables avec ces chimpanzés et révolutionner le monde de la science et notre regard sur les animaux. Elle découvrira qu’ils ont une intelligence sophistiquée leur permettant par exemple de fabriquer et d’utiliser des outils, qu’ils ont chacun leur personnalité (elle leur donnera des prénoms au lieu de numéros comme cela se faisait à l’époque), qu’ils vivent dans une culture familiale riche où les femelles ne se laissent pas marcher sur les pieds…
Son travail et sa personnalité en feront l’une de ces femmes libres et tenaces qui ont fait évoluer le monde patriarcal et masculin de la science.
Alors que Jane aurait pu terminer sa carrière tranquillement avec ses amis les vers de terre dans un jardin anglais, elle a créé le Jane Goodall Institute pour continuer inlassablement à parcourir la planète et nous aider à comprendre et à respecter la vie sauvage. Messagère de la Paix auprès des Nations Unies, elle consacrait son temp chaque jour à voyager pour mettre en place des missions scientifiques, notamment en Afrique, et parler aux jeunes générations.
Cette icône que j’avais eu l’honneur d’interviewer il y a 10 ans, avait su garder l’humilité et la gentillesse pour accepter d’écrire l’avant-propos du dernier livre collectif que j’ai dirigé, L’animal féministe, sur la puissance des femelles qu’elle avait tant contribué à mettre en évidence malgré le scepticisme, voire les moqueries, d’instances scientifiques dominées par des hommes.
Pour l’ASPAS, elle nous avait même fait l’immense cadeau de donner son nom à la Réserve de Vie Sauvage® du Trégor alors qu’elle ne l’avait jamais accepté pour d’autres, notamment pour de grandes réserves américaines. Parce qu’elle était en confiance. Parce que nous nous battons pour les mêmes causes. Parce que c’était Jane. Une héroïne de ces temps modernes à bout de souffle qui ont tant besoin de modèles. Jane était un phare dans une époque sombre. Sa lumière ne cessera jamais de briller. Merci Jane.
Yolaine de la Bigne, porte-parole et administratrice de l’ASPAS
Photo d’en-tête © S. Fraser

