Mercredi 17 décembre 2025, un an après la décision du Comité de Bern d’abaisser le niveau de protection du loup, plus de 200 associations et organisations européennes – dont l’ASPAS – co-signent une lettre ouverte adressée aux ministres des États membres de l’UE pour les appeler à maintenir la protection stricte du prédateur au sein de leurs frontières.
Ci-dessous, la traduction française de la lettre :
Madame, Monsieur le/la Ministre,
En décembre 2024, il y a environ un an, le statut de protection du loup au titre de la Convention
relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Convention de Berne) a
été abaissé sur la base d’une proposition de l’UE. Cette décision a porté atteinte à la réputation de
l’UE en tant que championne mondiale de la conservation. En effet, ce revirement politiquement
motivé et non scientifique en matière de protection du loup a été largement critiqué par les
scientifiques, les experts en conservation et les organisations environnementales.
La science est pourtant claire : bien que les populations de loups se soient rétablies dans certains
pays de l’UE, en grande partie grâce à leur protection stricte, l’espèce présente toujours un état de
conservation défavorable dans six des sept régions biogéographiques de l’UE (données issues de la
période de rapportage 2013-2018 au titre de l’article 17 de la directive Habitats). La Large Carnivore
Initiative for Europe a exprimé de sérieuses préoccupations concernant la proposition de
déclassement du loup au titre de la Convention de Berne, estimant qu’elle « ne semble pas justifiée »
et rappelant que les décisions relatives à la conservation et à la gestion de la faune sauvage
devraient être fondées sur des bases scientifiques solides, et non (uniquement) sur des
considérations politiques.
Malgré cette situation, l’UE a modifié sa directive phare « Habitats » en transférant le loup de
l’annexe IV (protection stricte) à l’annexe V (espèce protégée). Les États membres de l’UE disposent
jusqu’au 15 janvier 2027 pour transposer cette modification ciblée dans leur droit national, mais ils
peuvent également décider de ne pas abaisser le statut de protection de l’espèce sur leur territoire.
Nous souhaitons également attirer votre attention sur deux procédures judiciaires en cours*
concernant la décision relative au statut de protection du loup, et souligner qu’une décision éclairée
ne peut être prise qu’à la lumière de leurs résultats.
Par la présente lettre, les organisations de la société civile soussignées vous appellent, vous et votre
gouvernement, à ne pas abaisser le statut de protection du loup sur votre territoire national et à
intensifier les efforts visant à assurer la coexistence entre les loups et les communautés rurales.
Malgré la récente modification de la législation européenne, la Commission a confirmé la possibilité
pour les États membres de maintenir un niveau de protection plus élevé du loup, à condition que cela
soit signalé au moment de la notification de leurs mesures de transposition. En outre, la modification
de la directive « Habitats » n’affecte pas l’obligation des États membres d’atteindre et de maintenir un
état de conservation favorable de l’espèce. Il est en effet essentiel que chaque pays prenne les
mesures nécessaires pour satisfaire à cette exigence.
Le 12 juin 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a réaffirmé que l’état de conservation d’une
espèce protégée doit être évalué et atteint dans chaque pays individuellement, et non à l’échelle de
régions plus vastes transfrontalières. Les exigences économiques, sociales et culturelles ainsi que
les caractéristiques régionales et locales peuvent être prises en compte, mais ne peuvent à elles
seules justifier la qualification de l’état de conservation d’une espèce comme favorable.
Il est donc crucial que les rapports sur l’état de conservation des habitats et des espèces au titre de
la directive « Habitats » reposent exclusivement sur des données scientifiques robustes, recueillies
au moyen de méthodologies solides et harmonisées. Aucune décision de transposition du
déclassement du statut de protection et/ou de gestion active des populations de loups ne devrait être
prise avant que des données transparentes, actualisées et fondées sur la science ne confirment que
de telles décisions ne menacent pas la survie à long terme des populations.
Nous avons également observé que l’abaissement du statut de protection du loup compromet les
efforts visant à soutenir la coexistence entre les loups et les communautés locales, car il favorise la
fausse perception selon laquelle la chasse au loup constituerait une solution à la prédation sur le
bétail. Les preuves scientifiques montrent qu’une stratégie globale de coexistence entre les humains
et les grands carnivores est essentielle.
Les systèmes d’indemnisation peuvent renforcer la tolérance à condition d’être conditionnés à des
pratiques d’élevage responsables. Les processus décisionnels doivent être transparents et fondés
sur des preuves scientifiques, des principes éthiques et des obligations juridiques.
En définitive, protéger les loups en Europe est le reflet de notre engagement en faveur de la
biodiversité et de la coexistence. Le retour du loup dans certaines régions d’Europe constitue un
succès majeur de conservation qui ne doit pas être compromis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, les organisations soussignées vous exhortent instamment à ne
pas abaisser le statut de protection du loup sur votre territoire et à mettre en place des mesures
favorisant la coexistence.
* Les États membres devraient prendre note de deux affaires en cours devant la Cour de justice de l’Union européenne et en attente d’une décision : l’affaire T-634/24 (Green Impact et autres c. Conseil et Commission) du 6 décembre 2024 vise à annuler la décision du Conseil de l’UE de 2024 relative à la présentation par l’UE d’une proposition visant à réduire le statut de protection du loup au titre de la convention de Berne. L’affaire T-563/25 (Green Impact et autres c. Parlement et autres) du 15 août 2025 vise à annuler la directive (UE) 2025/1237 modifiant la directive « Habitats » en déclassant le statut de protection du loup.

