Période complémentaire de déterrage : un mois de juin en demi-teinte pour les blaireaux… 

Au début de ce mois de juin, 5 recours engagés par l’ASPAS contre des arrêtés autorisant des périodes complémentaires de chasse des blaireaux par vénerie sous terre ont été jugés. Si 2 arrêtés ont bien été retoqués, les tribunaux administratifs n’ont pas retenu les moyens d’illégalité soulevés pour les 3 autres. Comment expliquer ces décisions contradictoires ? 

La période complémentaire :
l’extension cruelle d’une pratique barbare 

Chaque année, les préfectures peuvent autoriser par arrêté l’ouverture anticipée dès le 15 mai de la chasse des blaireaux par vénerie sous terre, soit 3 mois en avance sur le calendrier. C’est ce qu’on appelle la “période complémentaire”

Dans certains cas, les arrêtés pris par les préfectures peuvent être jugés illégaux. Les associations peuvent alors saisir la justice pour faire abroger (recours gracieux), suspendre en urgence (référé suspension) et annuler (recours en annulation) les arrêtés concernés. 

Chaque printemps, dans toute la France, l’ASPAS se mobilise pour faire sanctionner ces arrêtés. Nos arguments dans les différents départements sont les mêmes, notamment : 

  • À l’heure actuelle, aucune donnée scientifique sérieuse relative à la population de blaireaux n’est fournie ; il est donc impossible d’affirmer, comme le font pourtant les préfets, que la chasse par déterrage de cette espèce, à une période décisive de dépendance des jeunes, ne nuit pas à son bon état de conservation. 
  • La loi interdit de tuer les “petits” des mammifères chassables. Or, de l’aveu même des chasseurs, de nombreux blaireautins sont victimes des actions de vénerie sous terre, blessés mortellement ou directement abattus par les chiens. Il est établi que dans la plupart des départements, jusqu’à 40% des blaireaux prélevés chaque année sont des petits, non matures sexuellement ! 
  • Les dégâts imputables aux blaireaux, supposés justifier leur destruction, sont rarement chiffrés et, lorsqu’ils le sont, sont le plus souvent exagérés. Par ailleurs, dans les cas où des dégâts sont réellement causés par les blaireaux, des solutions de protection efficace des cultures existent. 
  • Alors que les chasseurs prétendent que la vénerie sous terre permet de lutter contre la tuberculose bovine, la réalité est tout autre puisque, au contraire, elle favoriserait son expansion ! 

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Au fil des années, les victoires sont généralement de plus en plus nombreuses, chaque décision s’appuyant sur celles prises précédemment, comme en témoignent ces deux cartes comparatives des périodes complémentaires autorisées en 2020 et en 2024. 

Période complémentaire de déterrage : un mois de juin en demi-teinte pour les blaireaux… 

Face aux actions des associations, certaines préfectures ont même purement et simplement renoncé à demander l’ouverture d’une période complémentaire ! 

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Malheureusement, certains juges continuent de se ranger aux arguments fallacieux des chasseurs et des préfets désireux de se débarrasser de ces animaux qui les dérangent… 

Des jugements contradictoires 

Sur les 5 décisions rendues début juin par les juges des tribunaux administratifs saisis par l’ASPAS, accompagnée d’autres associations, 2 victoires sont à célébrer : 

  • Dans le Finistère, le tribunal administratif de Rennes a annulé un arrêté d’ouverture de période complémentaire, au motif que la procédure de consultation du public n’avait pas été respectée. La décision repose ici entièrement sur la forme de la demande, et non sur le fond, les autres arguments soulevés par les associations ayant été rejetés. Même s’il s’agit d’un simple argument de forme, cela contraint les préfets à rassembler des éléments tangibles (ou plutôt à demander aux chasseurs de le faire) avant de prendre leur décision.
  • À l’inverse, dans l’Allier, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que l’exécution de l’arrêté contesté comportait “des effets irréversibles portant une atteinte grave et immédiate aux intérêts de protection de la biodiversité”, et que les conditions d’urgence justifiant sa suspension étaient bien remplies. Il a été reconnu que les associations avaient démontré la pertinence, en cette période, de considérer les blaireautins comme des “petits” – que la loi interdit donc de chasser – sur la base de 16 sources sérieuses différentes, tandis que la défense n’avait présenté aucune étude scientifique. De même, au regard de l’absence de donnée fiable sur les populations de blaireaux présentes dans le département et de bilan sur les dommages attribués au blaireau, la nécessité de l’ouverture d’une période complémentaire a été contestée. L’exécution de l’arrêté a donc été suspendue, offrant aux blaireaux de l’Allier un précieux répit… jusqu’à l’ouverture officielle de la chasse en septembre. 

Malheureusement, dans les 3 autres affaires, les juges ont rejeté les recours des associations… pourtant basés sur les mêmes arguments que dans l’Allier !

  • En Ille-et-Vilaine, le tribunal administratif de Rennes a conclu que l’arrêté ne portait pas atteinte à la conservation des populations de blaireaux et qu’aucun vice de procédure ne pouvait être retenu. Il a donc rejeté la demande d’annulation portée par les associations. 
  • Dans le Cantal et dans le Puy-de-Dôme, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé qu’il n’a pas été démontré que l’ouverture de la période complémentaire de vénerie sous terre porterait atteinte de manière significative à la population de blaireaux et donc qu’il n’y avait pas d’urgence à suspendre l’arrêté. 

Sur la base d’arguments similaires, les décisions peuvent donc varier du tout au tout… et se contredire ! 

Ainsi, certaines préfectures continuent de soutenir les demandes des chasseurs de pouvoir tuer toujours plus d’animaux innocents et certains juges continuent d’y accéder malgré : 

  • Les jurisprudences qui s’accumulent ; 
  • Les arguments sourcés fournis par les associations contre la pratique du déterrage ; 
  • Le manque de données fiables permettant d’assurer que les populations de blaireaux ne sont pas menacées par la vénerie sous terre ; 
  • Le manque de données fiables concernant les dommages qui leur sont imputés. 
  • La reconnaissance par le Conseil d’État de la protection qui doit être accordée aux blaireautins.  

Cela s’explique parce que le pouvoir de décision en la matière est détenu au niveau local, par les départements. Chacun dispose donc d’une certaine liberté d’interprétation, entraînant la prise de décisions contradictoires dans différents territoires. 

Le combat continue ! 

Notre action juridique ne s’arrête toutefois pas là : si les juges ont rejeté dans le Cantal et le Puy-de-Dôme nos recours en “référé suspension”, procédure d’urgence qui aurait permis de suspendre immédiatement l’arrêté, ils doivent maintenant se prononcer “sur le fond”, c’est-à-dire en analysant avec plus de précisions les différents arguments et notamment les éléments fournis par les associations. 

Si cette procédure est bien plus longue et n’empêchera malheureusement pas la mise à mort des animaux en attendant son aboutissement, elle pourra toutefois permettre une annulation a posteriori des arrêtés, déclenchant une condamnation des préfectures concernées et constituant une nouvelle jurisprudence en faveur des blaireaux. 

D’autres audiences se tiendront aussi dans les semaines à venir, concernant des périodes complémentaires de vénerie sous terre dans les départements de l’Eure, du Lot, du Tarn-et-Garonne, de l’Allier, de la Charente-Maritime et de l’Eure-et-Loir.

Victoire après victoire, grâce à la mobilisation des associations de protection de la nature, les autorisations d’ouverture de période complémentaire se raréfient. Tant que la pratique barbare qu’est la vénerie sous terre n’aura pas été formellement interdite, l’ASPAS continuera de se mobiliser en faveur des blaireaux, ces précieux maillons de la biodiversité. 

Vous pouvez, vous aussi, nous aider dans notre mission : des consultations publiques dans le cadre de projets d’ouverture de période complémentaire sont toujours en cours. Pour y participer et donner votre avis défavorable pour faire enfin cesser cette tuerie annuelle, retrouvez toutes les informations sur notre page dédiée.

Photo d’en-tête : © F. Cahez

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